Je reviens sur les enchaînements d’une crise bancaire, devenue une crise de la dette des Etats souverains, au détour d’une action contra-cyclique de soutien à l’économie. Les économies occidentales avancées sont confrontées à un piège incontournable. Construire des produits encore plus complexes pour couvrir les dettes concernées, n’annihile pas les dettes. Cela peut éventuellement les rendre plus liquides. Et gagner du temps. Reste la question de la capacité de remboursement de leurs engagements par plusieurs acteurs. En l’occurrence il n’y a pas beaucoup de poésie : soit une croissance aide à rembourser, soit on sollicite le prêteur (en lui signifiant qu’il ne sera pas remboursé). Soit on « reflate » des économies anémiées.

Depuis la fin du XXème siècle et surtout depuis 2003, l’industrie financière a cherché à justifier des produits complexes en recourant aux sciences mathématiques, au détriment des aspects comportementaux identifiés sur les marchés financiers par les sciences humaines.
La puissance informatique et la dé- réglementation en vagues successives ont autorisé une souplesse dans la construction de produits financiers de plus en plus complexes.
Comme vous le savez, une légion de jeunes ingénieurs se sont mis à créer des produits qui permettent de « couvrir » le risque des produits de base comme les actiosn ou les obligations. Par le biais de montages contractuels toujours plus sophistiqués : CDS, CDO, CFD et consors, ces produits se sont échangés en gré à gré.
Qui plus est, les opérations concernant ces produits sont enregistrés hors bilan, c’est-à-dire qu’ils ne se trouvent ni à l’actif, ni au passif des porteurs de risque.
Malgré une évolution récente des règles prudentielles des banques (Bâle II, et Bâle III) et des de la régulation des compagnies d’assurances (Solvabilité II), la couverture de ces risques est restée très insuffisante.
La dynamique créée semblait très rentable dans des marché haussiers, le risque était réparti sur un nombre considérable de porteurs : OPCVMs, trésoreries d’entreprises, portefeuilles d’assurances, collectivités publiques, etc…
Les régulateurs centraux et surtout les principaux promoteurs qu’étaient les banques d’investissement pensaient que cette dispersion du risque garantirait la stabilité du système. Les commissions issues des placements semblaient une manne sans fin.
Puis, comme nous l’avons vu ou vécu, la machine s’est emballée pour aboutir à la crise financière après la faillite de Lehman Brothers: les promoteurs se sont mis à emprunter pour pouvoir prêter, les opérations de garantie ont commencé à toucher des actifs de plus en plus risqués. Les risques se sont répandus partout et ont créé un effet domino : tel porteur de risques, devant faire face à une matérialisation (AIG par exemple) s’est trouvé en défaut, et a dû matérialiser à son tour un risque que le suivant doit assumer, et ainsi de suite.
Bref, la sphère bancaire a créé de la monnaie, mais quand il s’est avéré que cette monnaie était devenue complètement virtuelle (car ne correspondant pas à une création réelle de richesse), le mécanisme a capoté. Le relai pris par les Etats souverains n’a rien fondamentalement changé : le risque et la dette ont été transféré. D’où la crise de la dette souveraine. Comme le jeu de domino des Réparations de guerre du Traité de Versailles…
Comme beaucoup de citoyens et d’entreprises en Europe le craignent, la crise est et sera très, très profonde.
Dans sa dimension organisationnelle les premières conséquences sont déjà apparues :
• Disparition à terme des produits excessivement complexes
• Retour aux sciences humaines et aux fondamentaux (Actions, obligations, produits listés)
• Régulation plus cadrée, en particulier en ce qui concerne la centralisation et la compensation des opérations sur produits financiers.
• La disparition de la dette, comme dit plus haut, ne peut avoir lieu que par croissance économique (donc pas de tout de suite, dans beaucoup de pays occidentaux avancés) ou par annulation de cette dette (donc prise de risque par les prêteurs finaux, comme certains pays de la zone Euro), puisque dévaluation et reflation sont actuellement l’apanage des pays anglo-saxons ou le Japon. Forcément douloureux.
Le seul point positif qu’il faut garder à l’esprit : toute période de crise permet l’émergence de nouvelles solutions : l’économiste Schumpeter n’a pas été le seul à le dire. Les mécanismes sains qui apparaitront seront de formidables opportunités.

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