Sujet débattu ardemment dans les diverses réflexions visant à endiguer la crise considérable que nous vivons, la vente à découvert est parfois parée de tous les vices moraux, quoique défendue techniquement par les opérateurs de marché.
Que se passe t’il quand on vend à découvert ?
L’on vend un actif que l’on ne possède pas pour le racheter plus tard – pratique rendue possible en empruntant temporairement l’actif en question – soit en espérant qu’il aura baissé entretemps, soit pour neutraliser temporairement un risque. Ce n’est jamais que ce que pratiquent de nombreux promoteurs immobiliers : vendre à un client un bien qui n’existe pas encore et n’est matérialisé que par la suite.
Or le vendeur à découvert DOIT se racheter, il crée donc intrinsèquement une réserve d’acheteurs, il participe à la liquidité, à la circulation des actifs et permet d’en alimenter l’intérêt pour la masse globale des intervenants. (In fine chacun d’entre nous…)
La vente à découvert participe donc directement à la liquidité d’un actif,
L’effet théoriquement « nocif » de la vente à découvert est d’accélérer une baisse.
Mais il faut pour cela que l’actif en question ait des raisons de baisser.
En effet, aucun acteur des marchés financiers n’est assez puissant pour faire baisser artificiellement un actif qui ne le mériterait pas.
Vous m’objecterez qu’un acteur malicieux pourrait malgré tout tenter de s’adjoindre une foule en créant une panique artificielle, mais, il est soumis à des textes réglementaires comme la directive « market abuse » qui l’ en empêchent clairement. L’application des textes de market abuse prend en compte le type de manipulation de marché que l’on prête souvent aux « shorts », c’est à dire l’opération sans autre but que d’influencer les acteurs du marché.
La réglementation existe donc bel et bien, est il utile d’en ajouter? Ne suffit il pas d’appliquer l’existant ?
Si un actif est illiquide et peu intéressant, les acteurs s’en déferont …..et plus personne n’en achètera.
Bloquer les ventes à découvert ne ferait que scléroser les marchés et aurait à moyen terme l’effet de compléter une crise financière et technique par une crise mécanique.
Cette question, en réalité, nous ramène au vieux débat entre morale apparente et efficacité économique. En effet la vente a découvert, pour être rentable, nécessite une baisse de la valeur de l’actif considéré et donc un appauvrissement de la majorité des investisseurs. Elle est du coup facilement taxée d’immorale, car on peut la considérer comme une méthode d’enrichissement personnel au dépend de la collectivité.
Son avantage économique repose sur 2 facteur:
1 – le surcroît de liquidité qu’elle engendre. Donc une baisse de la volatilité des prix qui conjointement autorise une allocation plus importante de l’épargne collective et in fine une croissance économique supérieure sur le long terme.
2 – la possibilité de gérer le risque d’investissement dans des actifs peu ou pas liquide. La possibilité de vendre a découvert un actif X dont la liquidité est forte permet de se protéger du risque d’un actif Y peu liquide dans la mesure d’une corrélation entre les prix de X et de Y.
Ainsi la possibilité de vendre a découvert des emprunts du gouvernement Grec permettait de couvrir un risque lie a un portefeuille de prêts a un ensemble de petites et moyennes entreprises du dit pays ou même d’autre pays dont le risque est corrélé.
Dans ce contexte la possibilité de vente a découvert permettait un surcroît d’investissement pour un niveau de risque donné et donc un surcroît de croissance économique a long terme.
La Commission Européenne a légitimement posé la question des « short naked sales ».
Bien qu’il soit important de définir cette notion (ce que la Commission n’a pas fait), il semble utile d’encadrer les acteurs qui pratiquent sciemment les ventes à découvert (en provoquant des défauts sur la chaîne de règlement/livraison) car ceux-ci génèrent en cascade des risques non souhaitables. Le problème est de mettre en place une réglementation adaptée et donc de pouvoir identifier les short naked sales dans lesquelles le vendeur n’a aucune envie de racheter le titre au moment de la livraison (son opération est faite sciemment) de celui qui intervient en naked sale sans pour autant créer un défaut de livraison (exemple : intervention intra-day).
La commission Européenne a pris un axe plutôt sévère sur les ventes à découvert (périmètre large, notification systématique à partir d’un seuil en montant fixé à un faible niveau, diffusion des informations dans le public…)
En tout état de cause, les cadres réglementaires des chaînes de règlement livraison sont déjà très strictes, il est par exemple interdit pour un dépositaire de « tirer sur la masse ». Le naked sale créant un défaut de livraison est également en principe « puni » par les procédures existantes de « rachat officiel » (Rachat à cours imposé + pénalité)
Un alourdissement des régulations aurait l’effet le plus probable de bloquer les mécanismes ce qui serait dramatique, car un marché bloqué ou illiquide génère une baisse inéluctable, Rappelons nous la crise de crédit de 2008 par exemple : les banques ne voulaient tout simplement plus négocier entre elles, le marché était bloqué, le système a failli imploser…
En conclusion l’on peut dire que d’un point de vue moral la plus grande richesse collective créée a long terme par la possibilité de vente a découvert est très supérieure a l’inconvénient temporaire qu’il offre en permettant a une minorité de s’enrichir grâce a son anticipation de baisse d’un actif. De plus, l’application rigoureuse des réglementations existantes et leur contrôle, (souvent allégé par manque de moyens) est la solution la plus évidente – tant il est vrai qu’une réglementation non contrôlée est une réglementation non appliquée…