Les process de gestion ont pour objectif d’optimiser l’acte de gestion et sa “marketabilité”.
Dans mes précédents papiers, je vous ai parlé de l’avenir orienté client en opposition au présent orienté produits.
Voyons maintenant les facteurs organisationnels à structurer afin de maximiser la valeur ajoutée du gérant.
La valeur ajoutée du gérant ça existe ?
Ici, nous allons bien parler de la valeur ajoutée, vous connaissez le débat entre gestion active et gestion passive/ETF (à laquelle s’ajoute le robo advising) : grosso, la gestion active coûte cher, si cher que quand elle performe (pas toujours), la performance est souvent mangée par les frais.
La gestion passive y répond en disant : nous ne cherchons pas la perf (nous ne croyons pas qu’on puisse en faire), mais nous répliquons le marché (ce qui suppose que le risque est basculé… sur le client), comme c’est automatisé, les frais baissent.
Les robo advisors y répondent en disant : nous ajoutons à la gestion passive une prise en compte des risques acceptés par le client.
Dans ce papier, nous allons voir que la gestion passive et les robo-advisors seront certainement concurencés par les cyborg advisors : les outils et techniques digitaux (big data, machine learning, crowd sourcing, bientôt blockchain) permettent à un gérant professionnel d’augmenter considérablement sa valeur technique tout en écroulant les coûts de gestion. Surtout quand il intègre l’open source.
Le gérant d’actifs peut être actif !
Avec les cyborgs, nous pouvons donc passer dans une nouvelle ére, alors qu’avec la gestion passive il n’y a structurellement pas de valeur ajoutée et qu’avec les robots, on fait souvent du neuf avec du vieux comme le souligne Raffaele Zenti dans son piquant article : Roboadvisors like a Commodore VIC20? Apparently, according to this quick survey… : (…)essentiellement , aujourd’hui la plupart des roboadvisors font ceci: ils mettent en place une belle interface utilisateur de couleur vive qui enveloppe un moteur financier naïf et obsolète(…)
La valeur ajoutée du gérant c’est quoi ?
Une étude de Grinhold et Kahn (in : Active Management) définit la valeur ajoutée du gérant ainsi : Alpha = talent(ou compétence)*racine carrée de l’amplitude d’exposition*tracking error..
Pour pouvoir appliquer un talent ou une compétence en sélection de titres , il est besoin de générer un cadre décisionnel qui les favorisent :
Trois constatations de base forment la fondation d’une gestion active efficiente :
- La plus grande liberté du gérant est de ne pas prendre de décision.
- Les meilleurs gérants ont l’esprit libre de contraintes.
- Le marché n’est pas stable, et ses acteurs cherchent constamment à profiter de cette instabilité pour leur avantage exclusif.
Le principe de la performance de gestion est de trouver un vecteur d’investissement que d’autres vont acheter plus cher, plus tard, le reste est de la poésie.
Si un gérant veut de la performance, il faut donc qu’il ait comme unique objectif de gagner de l’argent (pour ses clients et pour lui) on appelle ça pudiquement : générer de l’alpha.
Pour autant, avoir un haut QE est plus essentiel qu’un haut QI. Savoir s’appuyer sur des outils de traitement de données syntaxiques plus essentiel que de simples calculs numériques que tout le monde utilise. Cela pour savoir anticiper le comportement des autres acteurs du marché de manière récurrente.
Maintenant, première question, où trouver ce fichu alpha ?
La valeur ajoutée du gérant c’est où ?
Kritzman et Page (in : “The Hierarchy of Investment Choice: A Normative Interpretation,” The Journal of Portfolio Management) établissent que :
Les investisseurs ont une impression fausse de l’importance relative des différentes activités d’investissement (…) Nous mesurons la hiérarchie des choix d’investissement par simulation (…) nos résultats contredisent la croyance conventionnelle. Nous montrons que l’asset allocation est l’activité d’investissement la moins importante et que la compétence d’asset allocator est la moins importante à avoir. A l’inverse, le choix de titres individuels est le choix d’investissement le plus important et la compétence en sélection de titres a le plus de valeur.
K & P présentent une recherche montrant que l’apport d’alpha est généré par ordre croissant dans l’ordre suivant :
- Global Asset allocation
- Global Sector Allocation
- Country Selection
- Country Sector Sélection
- Security Sélection
On remarquera que cette liste se trouve être également l’ordre croissant des volatilités (et la perf sans volatilité…)
Cette étude confirme, malgré les morosités ambiantes dues aux conditions générales des marchés, que la performance (donc la valeur ajoutée facturable ) provient de la compétence et du talent de l’asset manager en stock picking et non de l’asset allocation qui est un peu le marronnier de la profession.
L’allocation d’actifs est une discipline obligatoire pour assurer l’alignement réglementaire des portefeuilles des clients institutionnels, mais de là à en faire un argument sexy de performance…
Évidemment, il est plus compliqué et coûteux de faire du stock picking que de l’asset allocation, c’est plus risqué aussi !
La valeur ajoutée du gérant ça se fait comment ?
Aujourd’hui, l’asset management est coincé dans une avalanche de contraintes, le gérant se transforme en pilote de serveur de contraintes et du coup subit plutôt que n’agit.
Cette approche fonctionnarisée ne peut suffire pour créer de la valeur, d’autant plus que ces contraintes sont publiques et donc intégrées par tous les autres acteurs sur les marchés.
Avoir le talent ou la compétence de générer de l’alpha suppose d’avoir un dispositif capable d’intégrer les outils digitaux d’une part et de chercher à générer de la valeur (de l’argent) d’autre part.
Ce qui passe :
- Par la mise en place d’une culture de la performance, évidemment. (Cf “Investment Leadership” – Jim Ware)
- Puis par la mise à disposition des outils ad-hoc, plutôt que de la mise en forme contraignante de l’acte de gestion. (Ce qui peut être une conséquence non voulue d’une notion telle que “portefeuille modèle »)
Or les outils sont disponibles ! Nous l’avons vu dans mes précédents papiers sur le sujet.
Le process de gestion ne peut pas contraindre la décision de gestion, qui par l’essence même du marché doit être continuellement adaptable.
Toute précontrainte de la décision de gestion est d’ailleurs contreproductive intellectuellement : elle annihile la capacité décisionnelle du gérant.
L’encadrement décisionnel (Ratios, risques, Money management, etc) est une donnée. Cet encadrement, bien géré, ne conditionne pas la qualité de la décision, ou le libre-arbitre du gérant.
..Et comment fabrique t’on un gérant cyborg ?
Voici les principes qui permettent d’établir un cadre opérationnel et de structurer la gestion active à l’ère digitale :
- Préparation de l’environnement décisionnel (provient de la relation digitalisée avec le client)
- Recherche d’information (big data)
- Génération de la décision (une grande partie peut être automatisée sous surveillance)
- Money management (principes de hiérarchisation de la décision, analyse data, tests)
- Mise en œuvre de la décision (là aussi on utilise un trader cyborg)
Ces principes définissent le process et le fait que celui-ci s’appuie sur l’utilisation d’outils quantitatifs et digitaux, la plupart du temps automatisés.
Ceci permet au gérant cyborg ainsi responsabilisé d’optimiser la qualité et la valeur marchande de la gestion d’actif.
Ces check points et les outils associés assurent un cadre dans lequel le talent individuel peut s’exprimer librement.
Ils constituent par ailleurs une réponse optimale aux consultants, multimanagers et autres sélectionneurs d’OPCVM qui sont en perpétuelle quête d’une méthodologie affichée.
Et surtout cela remet le gérant au centre de la production dans un monde où le réglementaire a conduit à la mécanisation.
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