Nous avons vu dans la première partie de cette analyse les contraintes et problématiques entourant la gestion d’actifs.
Dans cet environnement en pleine redéfinition, comment se situent chaque catégorie d’acteurs et quels sont les besoins d’évolution les plus cruciaux ?
L’année 2012 semble pour le moment avoir été la pire, cumulant tous les effets liés à la baisse des cours et aux arbitrages entre classes d’actifs dus à l’effet réglementaire.
L’année 2013 a constitué une première (faible) respiration pour l’industrie financière dans son ensemble. Mais, comme dans toute situation de crise, tous les acteurs n’ont pas été individuellement touchés à la même aune.
L’année 2014 s’annonce compliquée avec une reprise encore très évanescente et un environnement économique qui reste extrêmement fragile. Notamment, le poids de la dette actuellement assumé par les banques centrales peut-il être vraiment remboursé par une politique keynesienne, ou faudra-t’il « l’annuler » par une inflation plus ou moins rapide ? (les américains ont commencé en rémunérant sous l’inflation – ce qui a un évident impact sur l’attractivité des produits d’épargne).
Les clients particuliers sont dorénavant beaucoup plus méfiants et réticents vis à vis des investissements en OPCVM. Même s’ils n’ont pas spécialement changé de comportement sur les produits actions ou obligataires, ils ont suivi les recommandations de leur banque en transférant massivement leur épargne monétaire vers des comptes de dépôts bancaires.
Les clients institutionnels, eux, ont complètement modifié leur exposition, pas tant à cause de la crise financière qu’à cause de l’avalanche réglementaire.
Il y a environ 620 sociétés de gestion en France.
Cela fait 20 ans que l’on parle d’une inévitable concentration dans la gestion d’actifs.
Cette situation est elle toujours d’actualité ?
Observons les trois grands types d’acteurs :
- Les très grosses SDG à exposition internationale souffrent énormément à cause des coûts exorbitants des couches de réglementation et des coûts de distribution. Ces structures appartenant à des groupes bancaires ou assurantiels pourraient se retrouver en concurrence avec leur actionnaire de référence, par les effets Bâle et Solvency. Les banques françaises détiennent à elles seules les deux tiers de la distribution des OPCVM auprès des particuliers, or leurs impératifs réglementaires les incitent à ne plus promouvoir ces vecteurs de placement. Aujourd’hui, le gigantisme a ses limites : Big est moins beautiful qu’avant. Il est même très vraisemblable que plusieurs acteurs bancaires ou de l’assurance vendent leur grosse usine à la découpe. Plusieurs banques se sont d’ailleurs déjà désengagées de la gestion d’actifs et les rumeurs de cession continuent d’alimenter le marché très régulièrement.
- Les toutes petites sociétés de gestion entrepreneuriales, dont l’actif stagne, sont bien sûr à risque (et représentent même une épine dans le pied du régulateur). Les réglementations réhaussent en continu la » barrière à l’entrée « , handicapant sérieusement ces petites structures. Malgré tout, nous continuons à voir un solde annuel positif de créations de SGP. La diversité des spécialités permet encore à des acteurs présents sur des niches de s’exprimer. Dans certains cas, la faible liquidité d’une sous-classe d’actifs limite les encours gérables et justifie une stratégie de niche.
- Les acteurs de taille moyenne distribuant dans un nombre limité de pays européens, en particulier les indépendants, (ou non dépendant d’un grand réseau) ont su tirer leur épingle du jeu, en obtenant parfois des succès remarqués avec une offre equity et une liberté de ton que n’ont pas leurs gros concurrents.
L’ « inévitable concentration » n’est donc pas tant une évidence…
Par contre, la modernisation et l’évolution de la proposition de valeur et sa qualité sont de la plus grande actualité.
Toutes tailles confondues, il existe toujours de nombreux acteurs très sous équipés : le nombre de SGP ayant encore une chaîne informatique incomplète, utilisant des tableurs voire des chaînes manuelles pour l’aide à la décision, demeure important.
On peut légitimement s’interroger sur leur capacité à faire face aux échéances réglementaires ou aux obligations de contrôle, surtout dans un environnement ou il est devenu impératif de connaître instantanément l’impact d’une décision de gestion sur la totalité des actifs.
L’une des clefs du succès des SDG réside dans un juste équilibre de leur coefficient d’exploitation. On constate des rapports allant de 1 à 8 en matière d’effectifs pour les sociétés de gestion disposant d’actifs sous gestion de tailles comparables… Les structures sous-staffées ont peu de chance de pouvoir s’adapter et celles qui sont sur-staffées ont quant à elles peu de chance de survie…
Pour parvenir à sortir de l’impasse, l’industrie de la gestion a entamé le difficile exercice de refonte de gamme et continue d’améliorer ses outils d’analyse, de gestion et de reporting (en l’occurrence, les éditeurs proposent des produits de plus en plus modulables).
L’évolution passera aussi par la mutualisation de certaines fonctions support (notamment en ce qui concerne les petits acteurs pour lesquels les fonctions réglementaires, de trading ou de contrôle constituent des charges problématiques).
Côté distribution, la révolution n’a pas commencé. La distribution web, par exemple, marque le pas : les plates-formes internet ont encore une approche très » web 1.0 » (traitement de masse) et n’ont pas bouleversé l’offre d’OPC. Leur coût d’acquisition client est très élevé, leur pricing très serré et leur différenciation pas évidente.
D’une certaine manière, leur concurrence exacerbée dans un monde pas encore ouvert à l’open architecture les a amené à se neutraliser.
Comme dans les autres industries multicanal, on peut estimer que l’offre web plafonne autour de 10 % de la distribution globale.
On remarquera d’ailleurs que la distribution de fonds n’est qu’une activité partielle de ces sites, qui offrent en général des services bancaires et boursiers.
Il n’y a pas de secret, une SGP à succès dispose de produits attractifs et performants, d’une équipe soudée, d’outils de gestion modernes et d’un service client de premier ordre.
Les acteurs qui restent mobiles et proposent des solutions innovantes ont aujourd’hui toutes leurs chances.
Le défi de la gestion d’actifs est de réussir à remettre le client au centre de l’offre et de s’appuyer sur la valeur de ses hommes dans une industrie qui a eu le réflexe de se mécaniser en réponse à la pression conjoncturelle et réglementaire.
Le CRM, le service du client et la qualité de l’offre, en particulier sa transparence et sa clarté, sont les clefs de l’avenir.
Ce sont les clients qui sont les maîtres. On doit tout faire pour les attirer. Je pense que ce seul fait ne suffit pas pour autant. Il faut également les conserver et pour cela, la qualité des prestations doivent être excellentes.